L’exposition AImagine – Photography and Generative Images se déploie comme un terrain d’exploration audacieux et novateur où photographie et intelligence artificielle (IA) se rencontrent. Sous le commissariat exigeant du centre d’art Hangar, cette exposition réunit 18 artistes internationaux autour d’un thème fascinant : revisiter et réimaginer des événements, personnages ou situations historiques grâce aux possibilités offertes par l’IA.
Entre fiction et réalité, ces créations hybrides interrogent les frontières de l’image contemporaine tout en redessinant les contours de ce que nous appelons traditionnellement la photographie. Voici une plongée au cœur de cette exposition qui résonne comme un dialogue entre l’art et la technologie, le passé et le futur, le réel et le virtuel.
À la croisee des chemins : photographie et IA
Lorsque l’idée de cette exposition a germé il y a tout juste un an, elle pouvait sembler à la fois avant-gardiste et troublante. S’aventurer sur le terrain de l’intelligence artificielle, tout en restant fidèle à une discipline que le Hangar défend avec passion depuis près d’une décennie, pouvait passer pour une rupture radicale. Pourtant, loin d’être une trahison, cette initiative s’inscrit dans une logique nécessaire : celle de créer un pont entre tradition et innovation, et d’explorer les horizons futurs de l’image.Pour structurer ce projet, l’équipe curatoriale a opté pour une approche hybride. Un appel à projets international a permis de récolter des propositions inédites, complété par une sélection rigoureuse d’œuvres repérées lors de recherches approfondies. Le thème retenu, celui de revisiter l’histoire à travers le prisme de l’IA, donne une orientation précise et offre un cadre de réflexion profond sur le dialogue entre passé et futur.
La promptographie : une nouvelle ère visuelle
Au cœur de cette exposition, un concept émerge : celui de la « promptographie ». Si la photographie se définit comme « l’écriture par la lumière », la promptographie repose sur la puissance des mots. Ici, le langage devient performatif : à partir d’une requête textuelle (appelée prompt), les algorithmes génératifs déploient des images issues des espaces latents, ces réservoirs immenses de données indexées.Ces espaces latents fonctionnent comme des archives visuelles dynamiques. Chaque mot y est associé à des coordonnées, permettant de générer des combinaisons d’images presque infinies. Les artistes, devenus scénaristes d’un nouveau genre, affinent leurs prompts pour manipuler l’IA et créer des visuels uniques. Cette méthode bouscule les régles établies de la création visuelle en redéfinissant le rôle du photographe.
Entre hallucination et création
Les images générées par l’IA se distinguent souvent par leurs « hallucinations » ou « confabulations » — des erreurs visuelles qui mélangent les dimensions du réel et de l’imaginaire. Si ces anomalies peuvent troubler, elles deviennent une source d’inspiration pour les artistes qui les exploitent pour créer des univers uniques. Ces chimères visuelles incarnent un état hybride entre ce qui est et ce qui pourrait être.Cette approche permet aux artistes d’élargir les possibilités narratives de l’image. En revisitant des archives historiques ou en inventant des réalités parallèles, ils plongent dans l’uchronie, une réécriture imaginaire de l’histoire. Les « photographies » ainsi produites interrogent autant notre mémoire collective que notre perception de la vérité.
Une mutation de l’image photographique
En pleine crise de la vérité où faux et vrai se confondent, AImagine invite à explorer une « troisième voie » : celle de l’imaginaire. Les photographes, qui furent longtemps des témoins du réel, deviennent ici des visionnaires capables d’activer des voyages entre les dimensions temporelles et culturelles. L’IA ne promet pas une modernité absolue, mais ouvre des mondes possibles où le passé, le présent et le futur dialoguent.Cette métamorphose de la photographie dévoile une plasticité visuelle inédite. Les contenus issus de l’IA présentent un esthétisme « liquide », reflet des brassages de données propre à l’ingénierie numérique. On entrevoit une morphogénèse des images, qui emprunte autant au vivant qu’au virtuel.
Utopie ou dystopie ?
Quels récits l’IA nous propose-t-elle ? L’exposition oscille entre fascination et questionnement : les images générées sont-elles des projections alénantes ou des instruments émancipateurs ? Les artistes exposés s’emparent de ces interrogations pour bâtir des narrations créatives. Leur travail met en lumière non seulement les possibilités infinies de l’IA, mais aussi ses limites.L’IA photographique, loin de correspondre à une simple évolution technologique, redéfinit notre rapport au réel. Elle nous invite à réfléchir sur le pouvoir des images et sur notre capacité à les interpréter. En transcendant les frontières entre l’humain et la machine, AImagine offre une perspective unique sur l’avenir de la création visuelle.
Une invitation au voyage
L’exposition AImagine n’est pas seulement un événement artistique, c’est une expérience qui brouille les pistes entre réel et imaginaire. Les 18 artistes présentés au Hangar nous plongent dans un univers où l’image devient un terrain d’expérimentation conceptuelle.En réaffirmant son engagement pour l’innovation et la créativité, le Hangar nous rappelle que l’art est avant tout un espace de dialogue et d’exploration. Alors, qui a peur de l’intelligence artificielle ? Peut-être certains photographes, mais certainement pas ceux qui participent à cette exposition. Leur travail, à la croisee des mondes, nous invite à regarder différemment, à imaginer plus loin.
EXPO AImagine (Jusqu’au 15 juin 2025)
Au Hangar , Photo Art Center ,Place du Châtelain 18 à 1050 Bruxelles
Site web : hangar.art
Photo © Pascal Sgro