Souffrant d’une surdité profonde, David Le Gendre a développé une passion extraordinaire pour la musique depuis son plus jeune âge : grâce à l’enseignement dévoué de ses professeurs et son amour indéfectible pour l’art musical, il est parvenu à devenir chef d’orchestre au sein d’une association culturelle locale.
La musique fait partie intégrante de sa vie depuis son enfance. Aujourd’hui à la tête d’un orchestre dans une association de sa région, David Le Gendre se distingue des autres musiciens par son parcours unique.
Le « Beethoven poitevin »
Né avec une surdité sévère, sa vie prend un tournant décisif lorsque sa mère lui offre un piano durant son enfance. « En famille, nous assistions à des concerts et nous nous rendions dans des endroits où le bois était présent pour ressentir les vibrations. Je les percevais et j’étais curieux de comprendre leur origine, de découvrir ces musiques car, étant petit, tout cela m’était inconnu. Le jour où ma maman m’a offert un piano, j’ai été fasciné : on m’a parlé d’un musicien sourd, Beethoven, qui jouait du piano. Alors, je me suis lancé sans hésiter« , se souvient David.
Il commence alors à suivre des cours. « Au début, je ne maîtrisais pas la lecture du solfège, j’avais besoin d’un support visuel pour jouer, particulièrement avec les touches« , confie-t-il. « J’ai mémorisé l’intégralité. » Cependant, la théorie et la pratique peuvent présenter des écarts significatifs. « J’ai simplement appliqué ma méthode d’enseignement, comme je l’aurais fait avec n’importe quel élève entendant. David a la chance d’être exceptionnellement réactif et d’avoir une excellente lecture : toutefois, il y avait une difficulté majeure avec le rythme« , explique Julien Queriaud, son professeur de piano. « Nous avons consacré deux années à travailler sur la pulsation corporelle, notamment en utilisant le corps comme instrument rythmique. »

« David n’entend pas, mais il écoute ».
Après une formation approfondie en piano, David Le Gendre décide de relever un nouveau défi : celui de devenir chef d’orchestre. C’est lors de cette transition qu’il fait la connaissance de Stéphane Bonneau aux Ateliers musicaux Syrinx de Poitiers.
« Lors de notre première rencontre, il s’est enquis de mes compétences en piano… Nous avons longuement échangé sur nos aspirations mutuelles, et j’ai saisi l’opportunité de lui demander s’il pouvait m’enseigner la direction d’orchestre. Sa réponse positive m’a encouragé à me lancer dans cette aventure. Les débuts ont été particulièrement complexes : je me sentais désorienté, car la maîtrise des codes gestuels nécessite un entraînement intensif. Il fallait non seulement comprendre mais aussi intérioriser tout le langage des mains, » se remémore David.
« L’ambiance bienveillante au sein du groupe et de l’association crée une dynamique naturelle et harmonieuse. »
Stéphane Bonneau
Professeur d’orchestration pour David Le Gendre
Malgré son handicap auditif, Stéphane Bonneau guide David avec dévouement dans son parcours d’apprentissage.
« Au départ, on s’interroge, on expérimente, on observe l’évolution… Aujourd’hui, après plusieurs mois, ses performances s’améliorent constamment, ce qui nous encourage à poursuivre cette belle aventure, » explique son professeur.
« Contrairement aux idées reçues, David, bien qu’il n’entende pas physiquement, possède une écoute exceptionnelle. La musique devient alors un véritable dialogue, un langage universel qui transcende les barrières. L’atmosphère bienveillante qui règne dans le groupe et l’association permet une progression naturelle et fluide. »
Les membres de l’association expriment leur admiration, qualifiant l’expérience de « véritablement extraordinaire« . « Lorsque Stéphane nous a présenté ce projet d’avoir un chef d’orchestre sourd, nous avons ressenti un mélange d’émotions : l’excitation face à ce défi unique, mais aussi une certaine appréhension quant à la manière dont il pourrait nous diriger sans nous entendre« , confie Flore, une participante active de l’association. Nicole, une autre membre, souligne la transformation significative. « Notre ensemble existe depuis longtemps, et nous étions profondément habitués à notre ancien chef d’orchestre, avec nos automatismes bien établis. L’arrivée d’un nouveau chef, débutant qui plus est, avec sa propre sensibilité, nous a énormément apporté en termes d’écoute et d’attention aux gestes. Nous évoluons ensemble dans cet apprentissage mutuel. »
« Mon grand rêve, ce serait d’être chef d’orchestre »
Depuis plusieurs mois maintenant, David Le Gendre assume la direction de cet orchestre associatif, une expérience qu’il décrit comme singulière. « Durant la direction, je perçois les vibrations musicales. Elles commencent par mes orteils, remontent doucement à travers mes pieds. Ne pouvant pas entendre la musique conventionnellement, j’ai dû mémoriser tous les conseils techniques concernant le son. Cela demande un entraînement considérable. Ma direction repose essentiellement sur le visuel, mon regard doit être omniscient. »
Ayant atteint cette première étape, David Le Gendre aspire désormais à partager son expertise. « Je milite pour une égalité totale entre les personnes sourdes et entendantes. Je suis convaincu que chacun peut s’essayer à la musique, c’est un domaine ouvert à tous. Mon souhait est de transmettre cette passion aux jeunes générations et aux adultes intéressés par le piano, la guitare, la batterie, ou même la direction d’orchestre ! La passion prime sur le temps investi. » Actuellement, ce virtuose atypique poursuit son objectif d’obtenir un diplôme d’enseignant de piano et de musique. « Mais mon aspiration ultime reste de devenir chef d’orchestre« , conclut David Le Gendre.