Elle n’a que 26 ans, mais son parcours impressionne déjà par sa richesse, sa profondeur et son audace. Avec son nouvel album Bienaventurada (Bienheureux), la chanteuse et compositrice néerlando-espagnole Raquel Kurpershoek Jaldón signe une œuvre magistrale où se mêlent poésie, mémoire, douleur et lumière. À travers une approche musicale profondément ancrée dans la tradition latino-américaine, mais constamment ouverte à la fusion des genres, l’artiste offre une ode vibrante à la résilience et à la beauté née de la perte.
Une voix née entre deux cultures – Née à Amsterdam en 1998, Raquel grandit entre les Pays-Bas et l’Espagne, dans une famille où l’art est omniprésent. Sa mère, andalouse, est professeure de danse flamenco ; son père, historien de l’art et grand voyageur, lui transmet l’amour des cultures du monde. Dès son plus jeune âge, Raquel s’imprègne de rythmes, de mouvements, de langues, de sons. Cette double appartenance géographique et culturelle deviendra le socle de son identité artistique.Son passage par le prestigieux Conservatoire Codarts de Rotterdam, au sein du département de musiques du monde, renforce son ouverture et sa maîtrise des répertoires latino-américains, cubains, brésiliens, indiens. Elle se perfectionne également au chant flamenco au Conservatoire Rafael Orozco de Cordoue. Une formation rigoureuse, mais toujours guidée par la quête du sensible, du juste, de l’émotion partagée.
Une artiste plurielle et engagée – Raquel Kurpershoek n’est pas seulement une voix singulière : elle est aussi une artiste engagée dans une démarche profondément humaine. En 2020, elle réalise Traslasierra, un documentaire autobiographique qui explore avec délicatesse la relation entre musique et surdité. Le projet, qui a reçu plusieurs distinctions internationales, prouve que l’émotion est un langage universel, audible ou non. L’accessibilité, l’inclusion et le métissage culturel deviennent alors les piliers de sa création.Lauréate de nombreux concours – dont le Jazz Prinses Christina Concours et le Zoetermeer Jazz Concours – Raquel remporte en 2022 trois prix au festival Andrea Parodi en Italie avec son premier album Nizami. Ce disque, inspiré des Sept Princesses Sages du poète persan Nizami Ganjavi, dévoile une artiste raffinée, philosophique, capable de transformer la littérature en musique sensible.
Bienaventurada : l’album d’une maturité poétique – Sorti le 4 avril 2025, Bienaventurada est une œuvre charnière. Enregistré en partie au Mexique, il s’inspire de la poésie d’Amado Nervo, auteur mexicain emblématique du début du XXe siècle, qui écrivit de sublimes vers après la mort de sa compagne bien-aimée. Raquel s’empare de cette matière incandescente pour dire la perte autrement : non pas comme une blessure figée, mais comme un tremplin vers la beauté intérieure et la transformation.
Chaque chanson du disque est une exploration sensorielle, délicate et vibrante, de ce que signifie aimer, perdre, se relever, se souvenir. Soutenue par son trio habituel – le guitariste flamenco Alejandro Hurtado et le percussionniste néerlandais Danny Rombouts – Raquel propose une musique dépouillée, presque chuchotée, où chaque note semble pesée, chaque silence assumé. Le choix du titre, Bienaventurada (« bienheureuse »), sonne comme un manifeste : il s’agit de revendiquer la force des émotions profondes, de valoriser la vulnérabilité comme puissance créative. On retrouve dans cet album l’influence des grands poètes d’Amérique latine – Octavio Paz, Mario Benedetti – mais aussi celle des femmes et des territoires, des échos d’Andalousie et d’Amsterdam, des plages de Veracruz aux canaux hollandais.
Une étoile montante… qui touche déjà au Sommet – En 2024, Raquel Kurpershoek a connu une ascension fulgurante : tournée européenne et mexicaine, concerts avec l’Orchestre de Cordoue (qui l’a consacrée meilleure compositrice de l’année), et surtout l’attribution du Prix national de la culture espagnol, la plus haute distinction dans le domaine artistique. Un honneur rare pour une artiste aussi jeune – mais mérité pour une voix si singulière. Sa musique, qui mêle le flamenco, la chanson poétique, les rythmes afro-cubains et l’héritage des musiques du monde, échappe aux étiquettes. Elle crée un espace intime où le public est convié à ressentir plutôt qu’à analyser, à se laisser traverser par l’émotion. Sur scène, la complicité entre les musiciens, la puissance des textes et la voix nuancée de Raquel font naître une atmosphère quasi-mystique.
Une artiste à découvrir d’urgence – Raquel Kurpershoek est encore, pour beaucoup, une découverte. Mais Bienaventurada pourrait bien être l’album qui change tout. À une époque où les musiques du monde se croisent et se répondent, où l’art cherche à retisser du lien entre les êtres, son œuvre apparaît comme un phare : sensible, authentique, enraciné et ouvert. Pour celles et ceux qui aiment la musique qui a du sens, la poésie qui parle au cœur, les émotions partagées sans filtre ni artifice, Raquel Kurpershoek Jaldón est une artiste à suivre – et à écouter, les yeux fermés, le cœur grand ouvert.
« Bienaventurada » est disponible depuis le 4 avril 2025 sur toutes les plateformes. Raquel est en tournée en Europe et en Amérique latine, en formation duo, trio ou quatuor.
Site web : https://raquelkurpershoek.com/en/home/
Instagram : https://www.instagram.com/raquelkurpershoek/
Youtube : https://www.youtube.com/@raquelkurpershoek
Trois voix de l’âme : les poètes qui murmurent à l’oreille de Raquel
Octavio Paz (1914-1998) – Figure majeure de la littérature mexicaine et prix Nobel de littérature en 1990, Octavio Paz a marqué le XXe siècle par une œuvre à la fois poétique, philosophique et politique. Né à Mexico, il découvre très jeune la poésie grâce à son grand-père, journaliste et écrivain. Influencé par le surréalisme et la pensée orientale, il explore dans ses écrits les mystères de l’amour, du temps, de l’identité et du sacré. Son recueil Le Labyrinthe de la solitude (1950) est une réflexion profonde sur la culture mexicaine et l’aliénation de l’homme moderne. En quête constante de ponts entre les civilisations, Paz a été diplomate, notamment en Inde, pays dont la spiritualité imprègne plusieurs de ses textes. Sa poésie mêle rigueur intellectuelle et intensité sensorielle, dans une langue musicale et dense. L’influence de Paz dans l’album de Raquel se ressent dans les tensions subtiles entre présence et absence, entre perte et transcendance, où l’amour devient à la fois blessure et éveil.
Amado Nervo (1870-1919) – Poète mystique et romantique, Amado Nervo est l’un des grands noms du modernisme littéraire latino-américain. Né à Tepic, au Mexique, il fut aussi journaliste, diplomate et écrivain. Sa poésie, teintée de spiritualité, est nourrie par une quête d’harmonie, un amour profond de la beauté et une fascination pour l’au-delà. Marqué par la mort de son grand amour, Ana Cecilia Dailliez, Nervo transforme la douleur du deuil en une poésie lumineuse et apaisée. Dans des recueils comme La Amada Inmóvil, il célèbre l’âme aimée comme un ange qui continue d’inspirer et d’accompagner. Sa langue douce, ses images pleines de grâce et son ton introspectif résonnent dans Bienaventurada, où Raquel Kurpershoek revisite la perte avec une sensibilité proche de celle du poète : celle d’un amour éternel qui sublime la souffrance.
Mario Benedetti (1920-2009) – Écrivain engagé, poète du quotidien et de la tendresse, Mario Benedetti a su mettre des mots simples sur les émotions complexes. Né à Paso de los Toros, en Uruguay, il a traversé les bouleversements politiques de son pays avec la conviction que la poésie pouvait aussi être un acte de résistance. Auteur prolifique – plus de 80 livres – il est connu pour ses poèmes d’amour, ses nouvelles et ses essais, souvent marqués par l’exil, la solitude et l’espoir. Sa plume directe, humaine et chaleureuse a touché des générations de lecteurs à travers l’Amérique latine et au-delà. Dans Bienaventurada, l’empreinte de Benedetti se perçoit dans cette façon unique de parler du cœur avec simplicité, de transformer la mélancolie en beauté partagée. Raquel, à son image, tisse un lien intime entre la parole poétique et l’écoute profonde.