Article : Zoriana Khetchykova – Photo : © Zoriana Khetchykova (Traduit de l’anglais par Eric Cooper)
« Noir, bleu et rouge » : c’est ainsi que Nicole Salivan, alias SALVIA, décrit la palette émotionnelle de sa musique. Son univers sonore plonge ses racines dans le post-punk, empreint d’une mélancolie slave revendiquée.
« J’ai toujours aimé les groupes post-punk qui dégagent cette vibe de l’Est », confie-t-elle. « Cette musique m’a profondément marquée, et j’ai fini par comprendre que chaque fois que je prenais une guitare, je retombais naturellement dans ce style. » Pour Nicole, la musique n’a jamais été un choix. C’est une nécessité vitale.
« Chanter, c’est la seule chose que je veux faire dans la vie. Je préférerais mourir que de ne plus chanter. »
Son chemin vers la scène commence à 15 ans, lors de son premier concert. C’est Kristina Luna, chanteuse ukrainienne, qui lui révèle sa vocation. « J’étais choquée. Complètement bouleversée. » Le son de Luna, mélange d’indie, de house, d’ambiances immersives et de pure émotion brute, l’a saisie : parfois planant, parfois désespérément sombre. Nicole tombe amoureuse de cette musique et en tirera de nombreuses influences.
Cet été, à Bruxelles, elle revoit Luna en concert. « J’ai pleuré pendant les trois premières chansons. »
Mais ce n’était pas uniquement la musique. « Je suis fascinée par ses interviews, son énergie. Même ma propre musique a commencé un temps à lui ressembler – ce que je n’aimais pas, mais cela m’a inspirée malgré tout. Ses pensées, ses mots – ils résonnent souvent avec les miens. Elle m’a appris qu’être étrange sur scène peut être magnifique. C’est sûrement pour ça que je l’aimerai toujours. »
Quitter son pays
En février 2022, la Russie envahit l’Ukraine. Tout bascule. Comme des millions d’Ukrainiens, Nicole, 19 ans, doit fuir son pays avec sa mère. Début mars, elle fait sa valise. Sa guitare est la première chose qu’elle emporte. Dans le train quittant Kyiv, une femme la raille : « Une guitare ? Sérieusement ? C’est ça ta priorité ? » Nicole lui répond avec aplomb : « Oui. » L’exode vers la Belgique est épuisant. D’abord, Nicole et sa mère atterrissent en Pologne, où elles passent deux semaines dans une auberge surpeuplée. Pour Nicole, atteinte de misophonie – une hypersensibilité à certains sons –, c’est un supplice. « Cinq tantes qui ronflent dans une petite chambre… C’était l’enfer. »
« SALVIA, c’est moi – mon alter ego »
En arrivant en Belgique, une autre épreuve commence. « Je n’étais plus personne. Plus une artiste. Zéro. »
Personne ne la connaît. Elle ne connaît personne. Le sentiment de vide est abyssal. Elle pense même abandonner la musique, s’orienter vers le design ou d’autres domaines créatifs. Dans un moment de désespoir, elle tente un pari fou : créer un projet solo – SALVIA – avec Arno, un Belge rencontré en soirée. Le nom est choisi pour son aura mystique, inspirée de la plante de sauge utilisée dans les rituels spirituels. Instagram y voit une allusion à une drogue. Nicole, elle, y voit un symbole de guérison. « Quand j’étais malade, avec une angine, on m’a conseillé de faire des gargarismes à la sauge. Pour moi, ça a pris tout son sens : une artiste a besoin de sa voix. »
Elle organise alors un concert où Tom Stokx, du groupe The Haunted Youth, assiste à sa performance. Séduit, il lui propose son aide. Peu après, lui et Nick Caers, l’autre membre du groupe, rejoignent l’équipe SALVIA. Ensemble, ils enregistrent Time, un titre que Nicole a failli effacer. « J’ai failli le supprimer. Mais je lui ai donné une chance – et j’ai bien fait. »
Time devient un hit sur les radios belges. Pour Nicole, ce morceau parle de la pression constante de l’exil : cette course effrénée, ce sentiment de ne jamais avoir assez de temps. « Mais pour les Belges, je dis juste que ça parle du temps. Ils ne comprendraient pas le sens profond. »
Être une migrante, c’est effrayant.
« Je me rassure en me disant : tant que je ne suis pas à la rue, tout va bien. Même dans les pires moments, je ne suis pas sans toit, sans argent ni nourriture. Je peux encore rebondir. »
« Pleurer, ça aide. Mais après, il faut se relever et avancer. La vie est dure. Il faut l’accepter et foncer. »
Rituels de scène
Même quand l’inspiration manque, que la fatigue est là, il faut monter sur scène. Le spectacle ne t’attend pas. Chaque artiste a ses rituels. Pour Nicole, c’est le silence.
Avant un concert, elle ne parle à personne. Et jamais elle ne monte sur scène sans ses lunettes noires. « C’est une protection, au début. J’ai besoin de ressentir l’atmosphère dans le noir. » Ces lunettes sont devenues plus qu’un bouclier. Une obsession.
Elle collectionnait des photos d’elle portant les lunettes de parfaits inconnus – près de 400 clichés – avant que son téléphone ne soit volé. Depuis, elle n’a plus recommencé.
Une étoile montante
Avec un contrat signé chez Live Nation, la carrière de Nicole décolle. Cet été, elle part en tournée en Belgique tout en travaillant sur son premier album. Elle rêve déjà d’un tour européen, au départ de la Belgique… mais bien au-delà.
Son prochain titre, You and Me, sortira en avril. Une piste tendre, immersive, conçue pour plonger l’auditeur dans une douce transe.Pour Nicole, ce n’est que le début.
Salvia sur Insta : https://www.instagram.com/salviia_funerea
Salvia sur Youtube : https://www.youtube.com/@salvia_funereaa
Zoriana Khetchykova

Zoriana a fuit Kyev en 2022. Après un passage à Liège, Zoriana à déménagé à Malines ou elle étudie le journalisme à la haute école Thomas More.