Mercredi 12 novembre à Liège, a été inauguré le premier hub logistique wallon entièrement dédié aux circuits courts alimentaires : le Pôle circuit court de Liège. Cette infrastructure de 3 100 m², conçue pour transformer, stocker et distribuer des produits alimentaires durables à destination des collectivités, constitue un maillon concret jusque-là manquant entre les producteurs locaux et la restauration collective. Porté par un large partenariat public-privé, inscrit dans le cadre du plan de relance européen (Plan National de Relance et de Résilience (PNRR) et en phase avec la stratégie alimentaire de la région wallonne, le projet ambitionne de relocaliser l’alimentation, d’accompagner les producteurs, d’industrialiser modestement la transformation des légumes locaux, et de répondre à la demande croissante des cantines scolaires, maisons de repos, hôpitaux, épiceries de proximité ou encore établissements HORECA.

Pourquoi un tel hub à Liège ?
Dans la province de Liège — comme dans bien d’autres régions —, les cuisines collectives (cantines, crèches, maisons de repos, hôpitaux) servaient jusqu’à présent quelque 200 000 repas chaque jour en Wallonie. Or, l’approvisionnement en produits locaux, de saison ou bio restait compliqué : manque d’infrastructures de transformation, de stockage, de logistique mutualisée. Le Pôle logistique est conçu pour répondre à cette double nécessité : soutenir les producteurs et rapprocher les lieux de consommation. Le bâtiment s’implante au cœur du quartier de Bressoux-Droixhe, à Liège, à proximité du marché matinal, sur un terrain stratégique en zone urbaine mais aussi proche de zones de production agricoles (Pays de Herve, Hesbaye). L’objectif : pouvoir transformer jusqu’à 1 400 tonnes de légumes par an (soit 4 à 5 tonnes par jour) dont environ 60 % seront destinés à la restauration collective.
En parallèle, grâce à ce hub :
- sécurité d’approvisionnement pour les acheteurs professionnels (grands volumes, produits locaux)
- simplification logistique (un lieu unique qui regroupe collection, transformation, distribution)
- un support concret pour les producteurs wallons en circuits courts
Le fonctionnement du Pôle Liège
Le Pôle se compose de deux espaces complémentaires :
- Le bâtiment « Horizon » : hall logistique de 1 000 m² à l’avenue de Jupille, occupé par les coopératives Circuits Paysans, Les Petits Producteurs et Ceinture Aliment‑Terre Liégeoise.
- Une nouvelle infrastructure de 3 100 m² dédiée à la légumerie–conserverie, exploitée par l’entreprise d’économie sociale Terra Alter Belgique.
Cette légumerie permet de : laver, éplucher, découper et conditionner des légumes frais, locaux et bio. Elle répond à une « rupture de chaîne » : beaucoup de grandes cuisines collectives ne disposent pas du matériel, du personnel ou du temps pour traiter des légumes bruts. Ce maillon a donc été créé pour lever cet obstacle. Côté chiffres : plus de 130 producteurs liégeois sont déjà impliqués. 70 % des produits doivent être issus de l’agriculture biologique, 85 % fournis directement par les producteurs. On vise également une trentaine d’emplois locaux, accessibles à des personnes peu qualifiées ou plus éloignées du marché du travail. Pour les acheteurs professionnels (cantines, crèches, HORECA, etc.), le Pôle offre une palette de services : légumes frais « 1ère gamme », mais aussi légumes lavés/épluchés/découpés « 4ème gamme », pommes de terre précuites, bocaux, sauces, soupes…

Un projet régional, ancré dans la relocalisation alimentaire
Le projet ne s’arrête pas à Liège. Il s’inscrit dans un maillage wallon : trois hubs logistiques prévus pour la Wallonie (Liège, Charleroi, Namur) dans le cadre du plan de relance et de l’économie sociale.
- À Charleroi : une plateforme de 2 400 m² comprenant légumerie et conserverie.
- À Namur et dans la province du Luxembourg : d’autres pôles portés par des coopératives comme Paysans Artisans ou Réseau Paysans qui rejoignent la filière « Pôles circuit court ».
Globalement, ce réseau soutient plus de 500 producteurs en circuit court et renforce cinq coopératives de distribution (Circuits Paysans, Paysans Artisans, Réseau Paysans, Carolostore, MaBio). Le financement total est de 16,49 millions d’euros, dont 7,66 millions alloués à la SPI pour la construction et mise en service du pôle de Liège. Par ailleurs, les critères environnementaux sont ambitieux : la construction intègre isolation renforcée, pompe à chaleur, panneaux photovoltaïques, bornes de recharge, vélo-cargo, gestion des déchets… L’objectif : un bâtiment « modèle » en matière de durabilité.
Pourquoi c’est intéressant et quels défis en perspective
Ce qui fait la force du projet
- Il répond à un besoin concret : nombreuses cuisines collectives souhaitent valoriser des produits locaux et bio, mais butent sur la logistique.
- Il permet de professionnaliser le circuit court : mutualisation des infrastructures, gestion logistique, conditionnement adapté aux besoins des collectivités.
- Il crée de l’emploi et soutient l’économie sociale.
- Il relocalise partiellement l’alimentation, ce qui correspond à des enjeux de santé publique, d’environnement et de résilience.
- Il se positionne comme acteur de changement territorial (zone Bressoux-Droixhe à Liège, redynamisation urbaine).
Mais quelques défis restent à surveiller
- Le passage à l’échelle : transformer et distribuer en volume exige logistique, coordination, et maintien de la qualité locale.
- La variabilité des saisons et des volumes de production : les producteurs locaux ne sont pas toujours calibrés pour répondre aux besoins massifiés de la restauration collective.
- Le coût et la juste rémunération : pour que les producteurs vivent de leur travail tout en proposant des prix accessibles aux collectivités.
- La gouvernance de l’écosystème : coopératives, acteurs publics, transformateurs, distributeurs doivent s’accorder sur les logiques de fonctionnement.
- L’engagement des collectivités : passer à une alimentation durable implique souvent un budget, une volonté politique, une organisation différente (menus, stockage, gestion des déchets…).
Impacts concrets à Liège
- La Ville de Liège fait partie des utilisateurs prioritaires : l’intercommunale ISoSL fournit chaque jour 10 000 repas aux enfants de 3 à 12 ans, 1 000 repas dans les crèches. À terme, l’objectif est un approvisionnement 100 % via Terra Alter, y compris pour les maisons de repos.
- Selon la Ceinture Aliment-Terre Liégeoise, le Pôle pourrait potentiellement servir 70 000 à 80 000 repas par jour dans les cantines liées à l’agglomération liégeoise.
- La structure s’appuie sur un réseau de plus de 130 producteurs liégeois.
- Elle a déjà été distinguée au Forum mondial de l’Alimentation durable de Milan pour son modèle de relocalisation alimentaire durable.

Le Pôle circuit court de Liège marque une étape significative dans la relocalisation de l’alimentation en Wallonie. Il symbolise la volonté de rapprocher producteurs et consommateurs via une infrastructure logistique moderne et socialement engagée. Si tous les acteurs tiennent leurs promesses — qualité, volume, coût, logistique — ce hub devrait devenir un modèle pour d’autres territoires, et un point d’inflexion pour les cantines scolaires et maisons de repos de la région. Reste à suivre dans les mois à venir : le démarrage effectif des 3 100 m², le passage aux volumes annoncés, et l’adhésion des collectivités. Pour un projet aussi ambitieux : les défis sont nombreux, mais les retombées pourraient être puissantes — pour l’économie locale, pour l’alimentation durable, pour les citoyens.
Pour en savoir plus :
- Sur le projet des Pôles circuit court : www.polecircuitcourt.be
- Sur le Pôle circuit court de Liège : https://polecircuitcourt.be/poles/liege/

