Close

Se connecter

Close

S'inscrire

Close

Mot de passe oublié ?

La Gazosa : résurrection pétillante d’une tradition tessinoise

Parlons gaz et bouchons au Tessin – mais pas de ceux du tunnel du Gothard. Ceux, bien plus joyeux, des bouteilles de gazosa, ces limonades d’un autre temps qui pétillent à nouveau sur les tables helvétiques. Cette boisson emblématique du sud des Alpes, longtemps cantonnée à la sphère familiale ou aux « grottos » (les tavernes traditionnelles), connaît une véritable renaissance. En Suisse italienne, bien sûr, mais aussi désormais en Romandie, à Zurich ou Bâle, où son parfum d’authenticité séduit les palais lassés des sodas industriels. La gazosa – ou gazzosa, gassosa, gaesosa, selon les dialectes – est une eau sucrée légèrement gazeuse et aromatisée. Le nom lui-même trahit ses origines : du mot « gaz », la signature pétillante de cette boisson. Si l’on remonte le fil de l’histoire, on trouve trace de la première fabrique tessinoise à Mendrisio dès 1883. Mais la gazosa existait bien avant cela, produite artisanalement dans chaque village. C’était une affaire domestique et festive, transmise de génération en génération. On la faisait fermenter au soleil, à partir de sirops de citron, de moût ou d’herbes alpines.

Le goût du soleil et du terroir – Traditionnellement, la gazosa naissait d’un sirop de fruits maison, d’un bouquet d’herbes (sauge, romarin, menthe, thym ou sureau), d’eau, de sucre et… de patience. On exposait les bouteilles au soleil quelques jours pour déclencher la fermentation naturelle. Cette méthode ancestrale, tombée en désuétude au tournant du XXe siècle, est aujourd’hui pratiquée par quelques irréductibles familles du Tessin et de la région de Mésocco. Les ingrédients typiques ? Du citron bio, de la bière non pasteurisée ou de la levure, parfois un soupçon de poudre à lever pour accélérer la gazéification. Le résultat ? Une limonade vive, désaltérante, au goût à la fois rustique et sophistiqué.

D’une bouteille à bille au bouchon mécanique

La gazosa se distingue aussi par ses contenants emblématiques. Autrefois, on utilisait des bouteilles à bille (ou « champagne da la baleta »), inventées en 1872 par l’Anglais Hiram Codd. La bille maintenue par la pression du gaz servait de bouchon naturel. Jugé peu hygiénique, ce système a été interdit dès 1940. Aujourd’hui, le bouchon mécanique à levier en métal et bague en caoutchouc – qui fait un « pop » savoureux à l’ouverture – est devenu l’un des symboles de la gazosa. Ce son évoque pour beaucoup les souvenirs d’enfance, les vacances au Tessin, les étés passés à l’ombre des grottos, un verre de gazosa citron à la main.

Un retour en grâce… bien au-delà du Tessin – Durant les années 1990, la vague des sodas industriels a fait fondre la production locale comme neige au soleil. Seules quelques marques artisanales ont résisté : Fizzy, Coldesina, Peri, Fiorenzana… Aujourd’hui, elles savourent leur revanche. Chez Coldesina, à Bellinzone, la production est relancée à raison de 4000 bouteilles à l’heure, trois jours par semaine. Même son de cloche chez Fizzy à Giubiasco, entreprise familiale depuis 1916. Fernando Starnini et sa fille Samoa, héritiers de cette tradition, notent : « Nous n’avons jamais compté nos heures, et aujourd’hui les gens veulent à nouveau de la qualité. » Grâce au bouche-à-oreille et au tourisme, la gazosa a passé les frontières linguistiques. On la trouve désormais jusqu’en Suisse romande, dans les boulangeries comme Grin à Lausanne ou les buvettes branchées du Plateau.

Une palette de goûts… et de souvenirs – La gazosa d’aujourd’hui, c’est une explosion de parfums : citron, mandarine, myrtille, framboise, pamplemousse, orange amère… voire même une version au cola, clin d’œil ironique aux géants américains du soda. Mais les recettes d’autrefois préféraient les arômes locaux : le moût de raisin, les herbes alpines, les agrumes italiens apportés en charrettes. À l’époque, les femmes du village extrayaient à la main l’essence des fruits. Les bouteilles étaient livrées de maison en maison en charrette. Une logistique artisanale balayée par les boissons industrielles… mais dont l’esprit renaît aujourd’hui dans le respect des recettes d’origine.

La gazosa, boisson identitaire et polyvalente – Au Tessin, la gazosa se boit seule, bien fraîche, dans une tazzin en porcelaine ou un boccalino rayé rouge et bleu. Mais elle sinvite aussi dans les cocktails. Le fameux mezz e mezz, mélange de gazosa citron et de vin rouge local (souvent du Merlot), fait office de boisson estivale par excellence. Dans les bars urbains, la gazosa se marie avec vodka, gin ou vermouth pour créer des cocktails raffinés à base de mandarine ou d’orange amère. Et malgré sa teneur en sucre, elle conserve une image de produit sain, artisanal, sans additifs chimiques, souvent servi dans des établissements qui misent sur l’authenticité et le local.

Une tradition vivante, entre patrimoine et avenir – Aujourd’hui, la gazosa n’est plus simplement une boisson. C’est un symbole culturel, un produit de terroir devenu tendance. Avec son packaging rétro, ses ingrédients naturels et son mode de production artisanal, elle incarne un art de vivre simple et joyeux. Son retour s’inscrit dans une dynamique plus large : celle du retour à l’authenticité, du refus de l’uniformisation et de la revalorisation des savoir-faire régionaux. Qu’on la déguste dans les vallées tessinoises ou dans les cafés branchés de Genève, la gazosa nous relie à une histoire, à un paysage, à un été sans fin.

Et dans le monde ? Sous d’autres cieux, la gazosa a des cousines proches :

  • En Italie, on parle de gassosa, boisson citronnée sucrée et pétillante, souvent maison ou de petites marques locales comme Lurisia.
  • En Espagne, la gaseosa est une limonade utilisée dans des cocktails type tinto de verano.
  • Au Portugal, elle devient gasosa et sert aussi de base à des mélanges festifs.
  • En Amérique latine, elle a souvent été supplantée par les sodas multinationaux, mais certaines marques artisanales survivent au Mexique ou en Argentine.

Chaque pays garde une version légèrement différente, parfois plus sucrée, parfois moins gazeuse, parfois avec des parfums exotiques (canelle, goyave…). La gazosa n’est pas seulement une boisson : c’est une mémoire en bouteille, une archive liquide du patrimoine tessinois. Son retour est celui d’une culture qui résiste, qui pétille, et qui sait faire rimer tradition avec modernité. Une gorgée, et l’on est transporté : au soleil, au bord d’un grotto, au cœur d’un été oublié. Une renaissance qu’il serait dommage de ne pas goûter.

Envie de tenter l’aventure à la maison ?

On vous propose des recette détaillée de gazosa maison , avec variantes aromatiques inspirées des traditions tessinoises et italiennes. C’est une boisson fermentée naturellement, sans alcool, désaltérante et pétillante – parfaite pour l’été.

Gazosa maison – Base citron-sauge (5 litres)

Ingrédients : 5 litres d’eau – 600 g de sucre – 4 citrons bio (zeste finement prélevé + jus entier) – ½ bouquet de feuilles de sauge fraîche – 1,5 dl de bière blonde non pasteurisée (facultatif, mais aide à la fermentation) – 10 g de poudre à lever type Weinstein (ou 2–3 g de levure fraîche diluée dans un peu d’eau tiède) – 5 bouteilles en verre d’1 litre avec bouchon mécanique

Préparation de base (30 min de préparation + 4 jours de fermentation)

  1. Chauffer la moitié de l’eau (2,5 litres) jusqu’à ébullition.
  2. Ajouter le sucre, bien mélanger.
  3. Ajouter le zeste et le jus des citrons, puis la sauge.
  4. Laisser frémir à petits bouillons pendant 20 à 30 minutes à découvert.
  5. Couvrir et laisser infuser à température ambiante 6 à 8 heures (ou toute une nuit).
  6. Le lendemain, verser les 2,5 litres d’eau froide restants dans une bonbonne ou un récipient en verre.
  7. Filtrer soigneusement l’infusion à l’aide d’un tamis ou d’un filtre à café.
  8. Ajouter la bière et la poudre à lever (ou levure fraîche). Mélanger doucement mais à fond.
  9. Transvaser dans les bouteilles à l’aide d’un entonnoir. Ne pas remplir jusqu’en haut (laisser env. 5 cm).
  10. Fermer les bouteilles hermétiquement et laisser fermenter 3 à 4 jours à température ambiante (22–26°C).
  11. Quand les bulles apparaissent (pression dans la bouteille), mettre au frais. À consommer dans les 3–4 jours.

Important : surveillez bien la pression. Si les bouteilles deviennent très dures, relâchez doucement un peu de gaz pour éviter l’explosion.

Variantes aromatiques (à la place de citron-sauge)

  1. Mandarine & Romarin :
  2. Myrtille & Fleur de sureau :
  3. Orange amère & Thym :
  4. Moût de raisin & Menthe :

Conseils de service

  • Servez bien frais, dans des verres ou tasses typiques (tazzin ou boccalino).
  • En cocktail, testez le fameux « mezz e mezz«  : ½ gazosa citron, ½ merlot tessinois.
  • Pour une version plus douce : utilisez du sucre de canne blond ou du miel doux (attention à l’équilibre).

Remarques

  • La bière non pasteurisée apporte des levures naturelles : elle peut être remplacée par de la levure boulangère, mais ne donne pas le même arôme.
  • Pour une version sans alcool stricte, utilisez uniquement la poudre à lever ou la levure fraîche.

Photo : Gazosa (boisson pétillante rafraîchissante) – Swissmilk.ch

Sources: Blick.ch, Letemps.ch, Swissmilk.ch, Gazosa-lafiorenzana.swiss

Devenez adhérent de l’association Jimagine.org : cliquez-ici

Participez à notre campagne de financement participatif pour la création d’une webTV Jimagine;

 

Partager cet article

Aimer cet article

0

Articles similaires

Articles similaires

0
0

    Poster un commentaire

    Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

    Thanks for submitting your comment!