Louis de Funès demeure l’un des visages les plus emblématiques du cinéma français. Sa carrière, jalonnée d’une ascension tardive, d’un perfectionnisme extrême et d’un sens comique inégalé, a marqué plusieurs générations de spectateurs. Né en 1914 à Courbevoie, ce fils d’immigrés espagnols s’est forgé un destin à force de persévérance et d’acharnement. Retour sur la vie d’un acteur hors norme.
Louis Germain David de Funès de Galarza voit le jour le 31 juillet 1914 dans une famille modeste d’origine espagnole. Son père, avocat à Madrid, doit abandonner sa carrière en raison de leur exil en France. Instable et rêveur, le jeune Louis grandit dans un environnement strict où il peine à s’intégrer. Son passage en internat est marqué par l’humiliation et la solitude. Pourtant, il trouve un exutoire dans le dessin, la musique et surtout l’humour, dont il se sert pour amuser ses camarades. Adolescent, il abandonne ses études et enchaîne les petits boulots : apprenti fourreur, étalagiste, dessinateur industriel. Mais aucune de ces professions ne le satisfait vraiment. Son goût pour le spectacle s’affirme lorsqu’il devient pianiste de bar dans les années 1930, animant les soirées avec ses facéties musicales.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Louis de Funès, réformé pour faiblesse physique, survit en jouant du piano dans les cabarets parisiens. Il fréquente alors le Conservatoire International de Jazz et y croise Eddie Barclay. C’est dans ce milieu qu’il rencontre Jeanne Barthélémy de Maupassant, qui devient sa seconde épouse et son soutien indéfectible. En 1943, à près de 30 ans, il décide de tenter sa chance dans le théâtre et s’inscrit aux cours d’art dramatique René Simon. Son premier rôle au cinéma arrive en 1945 grâce à Daniel Gélin, qui lui décroche une petite apparition dans La Tentation de Barbizon. Mais il faudra encore attendre de longues années avant qu’il ne se fasse un nom. Pendant plus d’une décennie, il enchaîne des rôles secondaires au cinéma et au théâtre. Il côtoie les plus grands (Sacha Guitry, Jean Gabin, Bourvil) mais reste cantonné aux seconds rôles. Son perfectionnisme et son style, trop expressif pour certains réalisateurs, le freinent dans son ascension.
C’est à la fin des années 1950 que la critique commence à s’intéresser à lui. En 1956, il brille dans La Traversée de Paris, face à Jean Gabin et Bourvil, et impose son personnage de râleur colérique. Mais c’est véritablement au théâtre qu’il trouve la consécration avec la pièce Oscar en 1959. Il y incarne un personnage tyrannique, exubérant et génialement burlesque, qui lui vaut un succès immense. Le début des années 1960 marque son explosion au cinéma. Pouic-Pouic (1963) lui offre son premier grand rôle principal, suivi du Gendarme de Saint-Tropez (1964), qui rencontre un succès phénoménal. La même année, Fantômas et Le Corniaud le consacrent définitivement. Son duo avec Bourvil dans La Grande Vadrouille (1966) devient mythique, avec plus de 17 millions d’entrées en France.
À partir de là, Louis de Funès enchaîne les triomphes : Les Grandes Vacances (1967), Hibernatus (1969), Jo (1971), La Folie des grandeurs (1971) avec Yves Montand, puis Les Aventures de Rabbi Jacob (1973), où il livre l’un de ses rôles les plus mémorables.
Malgré son image de tyran comique à l’écran, Louis de Funès est un homme discret et perfectionniste dans la vie. Réputé exigeant sur les plateaux, il travaille chaque mimique, chaque intonation, chaque gag avec une précision chirurgicale. Certains partenaires de jeu le redoutent, mais tous reconnaissent son génie comique. S’il incarne souvent des petits bourgeois autoritaires et colériques, il est, dans la réalité, un homme réservé, attaché à sa famille et à sa tranquillité. Catholique pratiquant, il se retire au château de Clermont en 1967 pour fuir la célébrité envahissante.
Louis de Funès a connu deux mariages. Son premier, avec Germaine Carroyer, dure de 1936 à 1942 et donne naissance à un fils, Daniel. Mais c’est avec Jeanne de Maupassant, sa seconde épouse, qu’il trouve la stabilité et le bonheur. Mariés en 1943, ils auront deux fils : Patrick, médecin, et Olivier, qui tentera brièvement une carrière d’acteur avant de devenir pilote de ligne. Jeanne joue un rôle clé dans la vie de l’acteur. Elle l’encourage à persévérer dans ses débuts difficiles et l’accompagne tout au long de son ascension. Lorsqu’il devient une star, elle gère son emploi du temps et veille à sa santé, surtout après ses problèmes cardiaques. C’est elle qui, après son infarctus en 1975, lui impose un rythme de vie plus calme et l’incite à ralentir ses tournages.
En 1975, un double infarctus l’oblige à ralentir son rythme. Il se consacre alors à des projets plus personnels, comme L’Avare (1980), qu’il coréalise. Son dernier film, La Soupe aux choux (1981), surprend par son ton plus mélancolique. En 1983, il s’éteint à Nantes à l’âge de 68 ans.
Louis de Funès laisse derrière lui une empreinte indélébile dans le paysage cinématographique. Son style unique, mélange de slapstick et de satire sociale, continue d’influencer des générations d’acteurs comiques. De Christian Clavier à Jim Carrey, nombreux sont ceux qui revendiquent son héritage.
Aujourd’hui encore, ses films restent parmi les plus diffusés à la télévision et continuent d’attirer de nouveaux spectateurs. Preuve que le génie burlesque de Louis de Funès est intemporel et universel.
Photo : Vintage Printery , Obraz na PVC doske – Louis de FUNÈS (Flickr)
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