Close

Se connecter

Close

S'inscrire

Close

Mot de passe oublié ?

Mao Tsé-Toung : Au-delà du mythe rouge, que reste-t-il de l’homme et de ses idées ?

Il est souvent cité d’un bloc, caricaturé dans les médias occidentaux comme le symbole du communisme radical. Pour beaucoup, Mao Tsé-Toung (1893-1976) évoque l’autoritarisme, la Révolution culturelle, les millions de morts du Grand Bond en avant, et bien sûr, ce célèbre Petit Livre Rouge brandi par des foules fanatisées. Mais qui était réellement Mao ? Était-il simplement un despote communiste ou une figure plus complexe, enracinée dans une Chine à la croisée des chemins ? Peut-on, aujourd’hui, relire son parcours et son idéologie sans œillères, pour en tirer des leçons utiles à nos démocraties sans sombrer dans l’idéologie qu’il portait ?

Poster - La lumière de la pensée de Mao Zedong éclaire la voie de la grande révolution culturelle prolétarienne. (1967)

Poster – La lumière de la pensée de Mao Zedong éclaire la voie de la grande révolution culturelle prolétarienne. (1967)

Un homme façonné par les bouleversements de son temps

Mao naît en 1893 dans une Chine impériale vacillante, encore dominée par les dynasties, mais rongée par la corruption, les humiliations coloniales et la misère paysanne. Fils d’un paysan prospère, Mao reçoit une éducation classique mais s’émancipe rapidement des dogmes confucéens. Il lit Rousseau, Adam Smith, Nietzsche, mais aussi Marx et Lénine. La pensée occidentale le fascine autant qu’elle l’inspire. À partir de 1919, Mao s’engage dans le mouvement du 4 mai, une vague intellectuelle qui rejette les traditions féodales et réclame la modernisation de la Chine. Ce n’est pas encore du communisme pur, mais plutôt un bouillon de réformes, de nationalisme et de rébellion. Ce n’est qu’en 1921 qu’il cofonde le Parti communiste chinois (PCC), persuadé que seule une révolution populaire – et non une élite urbaine – pourra transformer le pays.

Maison natale de Mao à Shaoshan

Maison natale de Mao à Shaoshan

Une philosophie ancrée dans le réel chinois

Contrairement à d’autres leaders marxistes, Mao n’est pas un pur théoricien. Il adapte le marxisme-léninisme à la réalité paysanne de la Chine. Pour lui, ce ne sont pas les ouvriers qui mèneront la révolution, mais les paysans. C’est la première originalité de sa pensée : une stratégie politique enracinée dans la campagne.

Sa philosophie repose sur quelques piliers :

  • La lutte des classes comme moteur du changement.
  • La guerre populaire prolongée comme stratégie révolutionnaire.
  • L’autosuffisance et l’anti-impérialisme, surtout contre les États-Unis et l’URSS.
  • Le volontarisme politique, cette croyance que la volonté peut transformer le réel, quitte à défier les lois économiques.

Ces principes se retrouvent dans Le Petit Livre Rouge, ou Citations du Président Mao, publié en 1964 et diffusé à des centaines de millions d’exemplaires. Ce recueil d’aphorismes, simples et percutants, devait guider chaque citoyen dans sa vie quotidienne, politique et morale. Il est à la fois une arme idéologique et un symbole de culte de la personnalité.

Photo : Mark Mathosian (Flickr) - 1st vest pocket edition 1968 by Peking Press, English version.

Photo : Mark Mathosian (Flickr) – 1st vest pocket edition 1968 by Peking Press, English version.

L’ombre et la lumière d’un règne

Le pouvoir de Mao atteint son apogée dans les années 1950-60. Il proclame la République populaire de Chine en 1949, engage des réformes agraires, nationalise les industries, alphabétise des millions de personnes. Mais ces avancées s’accompagnent d’un lourd tribut humain. Le Grand Bond en avant (1958-1962), avec ses ambitions utopiques de développement accéléré, se solde par une famine meurtrière. La Révolution culturelle (1966-1976), quant à elle, vise à purger le parti de ses « éléments bourgeois » mais engendre chaos, purges, humiliations et destruction du patrimoine.

Mao meurt en 1976, laissant un pays exsangue, mais une aura intacte chez une partie de la population.

Mao aujourd’hui : un fantôme encombrant ou une figure toujours vivante ?

En Chine, l’héritage de Mao est ambivalent. Officiellement, le Parti communiste affirme que Mao a eu « 70 % de raisons et 30 % de torts ». Un moyen commode d’en préserver le prestige tout en reconnaissant certains excès. Dans les faits, Mao est toujours omniprésent : son visage orne les billets de banque, son mausolée trône place Tian’anmen, et ses citations sont régulièrement reprises, parfois même dans des discours d’apparence technocratique. Pourtant, la Chine d’aujourd’hui, plus capitaliste que communiste, semble avoir tourné le dos à ses idéaux. Mais elle conserve cette idée-maîtresse : le pouvoir fort, la discipline collective, le culte du progrès.

Mao Zedong (1963-10-25)

Peut-on tirer des leçons de Mao sans renier nos démocraties ?

La tentation est grande de rejeter Mao en bloc, au nom des droits de l’homme et des libertés individuelles. Pourtant, dans une époque où l’Occident s’interroge sur sa fragmentation, sa perte de sens collectif, sa difficulté à réformer, certaines idées maoïstes méritent d’être relues sans dogmatisme.

Par exemple :

  • La pédagogie populaire : Mao a réussi à alphabétiser une nation. Peut-on, dans nos sociétés, repenser l’éducation populaire pour revitaliser la démocratie ?
  • La critique des élites déconnectées : la Révolution culturelle a viré à la purge, mais le message initial était une mise en garde contre l’entre-soi politique. Cela résonne avec les défis actuels de la représentativité.
  • La mobilisation collective pour le bien commun : sans glisser vers la coercition, peut-on encourager des formes de volontarisme citoyen, d’engagement communautaire, de sobriété partagée, face aux défis écologiques ?

Bien sûr, Mao reste un personnage controversé. Ses erreurs ont coûté la vie à des millions de personnes. Mais le rôle d’un esprit démocratique n’est-il pas aussi de savoir lire l’Histoire dans sa complexité, pour en extraire ce qui élève, sans tomber dans ce qui détruit ?

Mao Zedong et les Gardes rouges, probablement pendant la Révolution culturelle.

Mao Zedong et les Gardes rouges, probablement pendant la Révolution culturelle.

Comprendre Mao pour mieux penser l’avenir

Mao Tsé-Toung n’est pas un modèle à suivre. Mais il est une figure qu’on ne peut ignorer. Son parcours, sa pensée et son impact offrent une matière précieuse pour comprendre les dynamiques du pouvoir, de la transformation sociale et des limites de l’idéologie.

À l’heure où l’Occident doute de lui-même, redécouvrir les idées venues d’ailleurs – même de ses anciens adversaires – peut être un exercice salutaire, à condition de les passer au filtre de nos valeurs fondamentales : pluralisme, droits humains, liberté d’expression.

Parce qu’en définitive, la démocratie ne se renforce pas en fermant les yeux sur l’Histoire, mais en la confrontant avec lucidité.

AVERTISSEMENT

Analyser une figure historique comme Mao Tsé-Toung, c’est naviguer sur une ligne de crête. Ce texte ne cherche en aucun cas à réhabiliter les excès ni à minimiser les souffrances humaines causées par ses politiques, notamment lors du Grand Bond en avant ou de la Révolution culturelle. Il ne s’agit pas non plus de proposer un modèle à suivre, mais d’exercer un regard critique, nuancé et informé sur une figure majeure du XXe siècle.

Plusieurs distinctions sont essentielles :

  • Différence de finalité idéologique perçue : Mao, malgré ses dérives autoritaires, s’inscrivait dans un projet de transformation sociale avec des objectifs affichés d’émancipation collective et d’égalité. Ce qui le distingue fondamentalement d’autres dictateurs du XXe siècle comme Hitler ou Mussolini, dont les régimes étaient fondés sur des logiques d’exclusion, de haine raciale ou de suprématie nationaliste.
  • Héritage contemporain différent : Le maoïsme fait encore partie de l’ADN politique chinois. À ce titre, il reste un sujet d’étude vivant et pertinent. À l’inverse, le nazisme et le fascisme ont été universellement condamnés, tant sur le plan moral que juridique.
  • Tirer des leçons ≠ ériger un modèle : S’interroger sur les aspects mobilisateurs, pédagogiques ou collectifs d’une idéologie ne signifie pas en approuver le contenu ni les conséquences. C’est la méthode, l’approche ou la dynamique sociale qui peut, parfois, inspirer réflexion — à condition de l’adapter et de la soumettre aux valeurs fondamentales de nos démocraties : liberté, pluralisme, droits humains.
  • La pensée critique comme antidote : Relire l’histoire de Mao, c’est aussi apprendre à renforcer notre immunité intellectuelle face à la tentation des extrêmes. Comprendre n’est pas excuser ; décortiquer, c’est éviter de répéter.

Cet article vise donc à replacer Mao dans son contexte historique, à identifier les ressorts d’une pensée politique marquante, et à interroger ce qui, dans son parcours, peut — ou non — nourrir la réflexion dans nos sociétés en mutation. L’enjeu n’est pas la nostalgie révolutionnaire, mais la lucidité démocratique.

Devenez adhérent de l’association Jimagine.org : cliquez-ici

Rejoindre la communauté de jimagine pour 10 euros par An :

Partager cet article

Aimer cet article

1

Articles similaires

Articles similaires

0
0

    Poster un commentaire

    Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

    Thanks for submitting your comment!