Sœur Sourire, de son vrai nom Jeanne-Paule Marie Deckers, est née le 17 octobre 1933 à Bruxelles. Elle deviendra célèbre dans le monde entier sous ce nom de scène, mais derrière le sourire public se cachait une vie marquée par la lutte, la recherche spirituelle et les désillusions. Elle était à la fois religieuse et chanteuse, un paradoxe qui a contribué à façonner sa légende.
En 1959, Jeanine Deckers entre chez les dominicaines et adopte le nom de sœur Luc-Gabriel. C’est au sein de cet ordre qu’elle développe son talent musical et sa passion pour la composition. Cependant, c’est en 1963 que sa vie bascule dans une toute autre direction avec la sortie de « Dominique », une chanson qu’elle écrit, compose et interprète au profit de son ordre. « Dominique » devient rapidement un phénomène mondial, se classant numéro un des ventes de disques aux États-Unis pendant tout le mois de décembre 1963. Cette chanson, empreinte de spiritualité et de joie, capture l’imagination du public et propulse Sœur Sourire sous les feux de la rampe de la célébrité. Elle réussit même l’exploit d’avoir deux albums en français en tête des ventes aux États-Unis : « La Nonne chantante » et « Sa joie, ses chansons ».
Grâce à ce succès, Sœur Sourire est nommée pour quatre Grammy Awards américains en 1964, remportant celui de la meilleure chanson religieuse. Cependant, malgré la renommée et la reconnaissance, Sœur Sourire ressent un malaise croissant. Les tensions avec sa communauté religieuse et les luttes internes entre sa vocation et sa carrière artistique commencent à prendre leur tribut. En 1967, elle décide de quitter les ordres et tente de poursuivre sa carrière musicale sous le nom de Luc Dominique. Cependant, elle ne parvient jamais à retrouver le même niveau de succès qu’auparavant. Ses tentatives pour se réinventer sur le plan artistique se soldent par des échecs, et elle se retrouve bientôt confrontée à des difficultés financières.
La vie de Sœur Sourire prend un tournant tragique avec le temps. Confrontée à une dette importante et aux intérêts accumulés, elle sombre dans une dépression profonde, tout comme sa compagne, Annie Pécher, thérapeute d’enfants autistes. Malgré leurs efforts pour surmonter leurs problèmes, l’alcool et les médicaments ne font qu’aggraver leur situation.
Le 29 mars 1985, Sœur Sourire et Annie Pécher mettent fin à leurs jours ensemble. Ironiquement, ce même jour, la Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM) sortait un état trimestriel de ses droits d’auteur pour une somme importante (€14171) Leurs funérailles, qui eurent lieu le 4 avril 1985 au monastère de Clerlande à Ottignies, furent empreintes d’une grande tristesse et d’une profonde réflexion sur la vie et la mort.
Dans ses paroles d’accueil lors des funérailles, le père Jean-Yves Quellec souligne la complexité de la nature humaine et l’importance du jugement réservé à Dieu seul. La vie de Sœur Sourire, marquée par la foi, la musique et les luttes intérieures, demeure un témoignage poignant de la fragilité et de la complexité de l’existence humaine, et son héritage continue d’inspirer ceux qui cherchent à comprendre le sens de la vie et de la foi.Bien que la vie de Sœur Sourire ait été marquée par des tragédies et des luttes intérieures, son héritage musical et spirituel continue de résonner à travers le temps. Son succès phénoménal avec « Dominique » a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de la musique populaire, et sa capacité à combiner la foi religieuse avec la musique pop a ouvert de nouvelles voies dans le monde de la musique.
Malgré sa décision de quitter les ordres et sa lutte pour retrouver le succès après son départ de l’ordre, Sœur Sourire a inspiré de nombreux artistes et croyants par sa persévérance et sa passion. Sa musique continue d’être écoutée et appréciée par des millions de personnes à travers le monde, témoignant de son impact durable sur la culture populaire.En outre, la vie tragique de Sœur Sourire et sa mort prématurée ont suscité des réflexions profondes sur des questions telles que la célébrité, la foi, la dépression et le suicide. Son histoire complexe et émouvante a été le sujet de nombreux articles, livres et films, et son influence se fait encore sentir dans la manière dont elle a abordé les défis de la vie avec courage et résilience.
Les funérailles de Sœur Sourire, bien que marquées par la tristesse, ont également été l’occasion pour ses proches et ses admirateurs de se rassembler pour célébrer sa vie et son héritage. Son message de compassion, d’amour et de tolérance résonne toujours aujourd’hui, rappelant à chacun l’importance de rester fidèle à ses convictions et de trouver la paix intérieure dans les moments les plus sombres.
En fin de compte, Sœur Sourire demeure une figure emblématique de la musique et de la spiritualité, dont l’impact transcende les frontières géographiques et culturelles. Sa vie et son œuvre continuent d’inspirer et de toucher les cœurs de ceux qui cherchent la vérité, la beauté et la grâce dans un monde souvent troublé et tumultueux.
Photo : Tombe de Jeanne Deckers (Soeur Sourire) et de sa compagne Annie Pecher dans le fond du cimetière de Wavre (Belgique).Photo : Patrick Trimbur