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Et nous ?

Nous vivons une époque déroutante. Il devient parfois difficile de savoir à qui, ou à quoi, accorder notre confiance. Jésus lui-même nous avait avertis : de faux messies et de faux prophètes se lèveront, capables d’accomplir des signes et des prodiges destinés à tromper même les élus.

Aujourd’hui, de Washington à Moscou, on voit surgir des politiciens qui se réclament des valeurs chrétiennes et de la paix, mais dont les discours sèment la haine et la division, déchirant familles, Églises et communautés bien au-delà de leurs frontières. Animés par l’orgueil, l’enrichissement personnel et la vengeance, méprisant la vérité, les droits humains, l’État de droit, la liberté d’expression et de conscience, leurs paroles et leurs actes contredisent le Grand Commandement : aimer Dieu et son prochain — y compris ses ennemis. Il est à la fois édifiant et troublant de se pencher sur ce que vécurent les chrétiens allemands dans les années 1930, quand un « homme fort » surgit au milieu de la confusion et du chaos, promettant stabilité, dignité et ordre.

L’humiliation du traité de Versailles, la crise économique, l’hyperinflation, les bouleversements moraux et sociaux de la République de Weimar et la peur du communisme avaient préparé le peuple allemand à accueillir un sauveur promettant de « rendre sa grandeur » à la nation. En 1933, peu imaginaient qu’ils bénissaient une tyrannie. Beaucoup croyaient défendre la foi, la famille et la patrie contre le désordre. Les promesses du futur Führer semblaient presque bibliques : unité, force, renouveau, providence, restauration morale. Il parlait d’un « christianisme positif », d’une Allemagne préservée de l’athéisme et de la décadence. Face à la menace du bolchévisme, vu comme l’Antéchrist par certains, nombre de croyants accueillirent ce « chef » qui promettait de reconstruire la nation et de museler les ennemis de l’ordre. Le national-socialisme fut présenté comme un rempart moral contre le communisme — une défense de la « civilisation chrétienne ».

La peur et l’intimidation

Entre 1930 et 1933, un climat d’espoir et d’enthousiasme gagna même les Églises. Une faction pro-nazie se forma au sein du protestantisme, les Deutsche Christen (« chrétiens allemands »), persuadés que ce chef était « envoyé de Dieu ». Rejetant l’Ancien Testament jugé « trop juif », prônant un « Jésus aryen », ils défendirent une lecture raciale du christianisme et adoptèrent le slogan : « La croix dans nos cœurs, la croix gammée sur notre poitrine. »

En 1933–1934, ces Deutsche Christen prirent le contrôle de nombreuses paroisses. Par peur, beaucoup de pasteurs se conformèrent. L’idéologie nazie sacralisa l’ethnie : la « race aryenne » devint un dogme, et le culte du « sang et du sol » une religion. En janvier 1933, Hitler devint chancelier. Deux mois plus tard, l’incendie du Reichstag lui offrit le prétexte pour instaurer des pouvoirs dictatoriaux. Quand il signa un concordat avec le Vatican, nombre de protestants crurent encore que le régime soutenait le christianisme. En septembre, l’Église évangélique allemande fut intégrée au système nazi, avec Ludwig Müller nommé « évêque du Reich ». Des offices d’action de grâce furent célébrés pour cette « ère nouvelle ».

Seuls quelques voix isolées — Karl Barth, Dietrich Bonhoeffer — osèrent affirmer : « L’Église ne peut avoir d’autre Führer que le Christ. »

Dietrich Bonhoeffer (Breslau, Allemagne, aujourd’hui Wroclaw, Pologne, 4 février 1906 – Flossenbürg, Allemagne, 9 avril 1945). Théologien et pasteur luthérien allemand, membre de la résistance allemande anti-nazie et membre fondateur de l’Église confessante.
Pasteur Karl Barth

La résistance et le silence

Entre 1934 et 1936, l’Église se divisa. Barth rédigea la Déclaration de Barmen, texte fondateur de l’« Église confessante » (Bekennende Kirche), affirmant : « Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’Église pourrait reconnaître un autre seigneur que Jésus-Christ. » En 1935, l’Église du Reich s’effondra dans la confusion. Barth refusa de prêter serment au Führer : il fut destitué et expulsé vers la Suisse. Martin Niemöller (1) créa la Ligue d’urgence des pasteurs pour défendre l’indépendance ecclésiale.Le régime fonda alors un ministère des Affaires ecclésiastiques pour contrôler la religion. Beaucoup commencèrent à comprendre que le nazisme n’était pas chrétien, mais païen, raciste et totalitaire. Quand l’Église confessante dénonça la persécution raciale et la suppression des libertés chrétiennes, la Gestapo fit fermer les séminaires et arrêta les opposants. Bonhoeffer, lui, organisa un séminaire clandestin à Finkenwalde, prêchant une « discipline du prix à payer » — la fidélité coûteuse. Tandis qu’une minorité résistait, la majorité se taisait ou collaborait.En 1937–1938, l’Église confessante fut déclarée illégale. La répression s’intensifia. Niemöller fut arrêté, beaucoup de pasteurs emprisonnés.

Puis vint la nuit du 9 novembre 1938 : la Kristallnacht. Les synagogues et commerces juifs furent détruits. Ce pogrom marqua le début de la guerre du Führer contre les Juifs. La plupart des Églises restèrent muettes — par peur ou par antisémitisme. Bonhoeffer, une fois encore, fut l’un des rares à parler : « L’Église ne doit pas seulement panser les plaies, mais bloquer la roue elle-même. » Même après le déclenchement de la guerre en 1939, nombre de pasteurs bénirent les troupes et prièrent pour la victoire. En invoquant l’obéissance à l’État (Romains 13), ils justifièrent leur silence tandis que la persécution s’aggravait. En 1941, la « Solution finale » commença — et presque aucune protestation ne s’éleva. Moins d’un pour cent des chrétiens résistèrent réellement, au prix de la prison ou de la mort.

Pasteur Martin Niemöller

Après le silence

Après 1945, de nombreux responsables religieux exprimèrent leur repentir pour leur silence et leur complicité, reconnaissant avoir confondu nationalisme et foi chrétienne. S’ouvrit alors, au sein des Églises allemandes, le long et douloureux travail de la Vergangenheitsbewältigung — le « retour sur le passé ».

Réflexion

Et nous, aujourd’hui ? Comment aurions-nous réagi, si nous avions vécu en 1933 ? Et surtout… ne sommes-nous pas, d’une certaine manière, dans la même situation ?
Alors — comment réagissons-nous ?

Source : weeklyword.eu (Traduction : Eric Cooper)

Illustration : Réception du Nouvel An organisée par Hitler à Berlin. Au premier plan : le ministre des Affaires étrangères von Ribbentrop en conversation avec le nonce Orsenigo. À l’arrière-plan : le Führer et chancelier du Reich Adolf Hitler (12 janvier 1939)

(1) Il est l’auteur de Quand ils sont venus chercher… , faussement attribué au dramaturge Bertolt Brecht. La forme initiale exacte et l’origine de ce poème ne sont pas connues avec certitude. Son texte a évolué au fil du temps, la première version daterait probablement de 1946, pour ne prendre la forme d’un poème qu’au début des années 1950. Le contenu ci-dessous est une traduction de celle reconnue définitive par la Fondation Martin Niemöller

Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.

Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. 

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