À la fin du XVIIe siècle, dans un environnement marqué par le jansénisme et un rigorisme au sein de la foi catholique, peu favorable à la piété populaire, la Vierge Marie se manifesta pendant 54 années à une jeune bergère de 17 ans. Ces apparitions représentent, à ce jour, les plus longues reconnues officiellement par l’Église. Elles figurent parmi les événements les mieux documentés de l’histoire, grâce aux récits élaborés par quatre témoins fiables : un avocat devenu juge et procureur royal, un ermite de la montagne du Laus, un docteur en théologie ayant exercé au Laus, et un prêtre également docteur en théologie. Rapidement, ces apparitions entraînèrent un afflux de pèlerins, malgré les difficultés d’accès au site, isolé dans la montagne, ainsi que de nombreux miracles de guérison, notamment grâce à l’huile de la lampe de la Basilique. Néanmoins, à la fin du siècle, la voyante souffrit des persécutions de prêtres jansénistes. Son évêque, bien que favorable aux apparitions, se retourna contre elle. Les messages de la Vierge étaient en contradiction avec le jansénisme, prônant une communion et une prière plus fréquentes pour les fidèles : « Mangez davantage ! dit un jour la Vierge. Vous perdez vos forces et priez plus difficilement : ainsi, vous servirez mieux Dieu. Allez communier sans hésitation, sauf si vous avez un grand remords d’une faute« . Ce n’est qu’à la fin de sa vie, en 1712, que Benoite Rencurel put retrouver la sérénité et que les pèlerinages purent reprendre sans difficultés, grâce à un changement d’évêque.
Neuvaine dédiée à la Vierge Marie, Vierge de l’Impossible
Benoîte Rencurel voit le jour en 1647 et perd son père à l’âge de sept ans. Dès lors, elle travaille comme bergère pour subvenir aux besoins de sa famille. Bien qu’elle ne sache ni lire ni écrire, elle demande à sa mère un chapelet pour prier dans les montagnes, une activité qu’elle pratique sans relâche. Généreuse, elle entretient des liens étroits avec les autres et n’hésite pas à partager ce qu’elle possède, même si c’est peu.
À l’âge de 17 ans, elle exprime à son curé le souhait de rencontrer la Mère de la Miséricorde. Peu après, Saint Maurice lui apparaît et lui assure que son vœu sera exaucé. Dès le lendemain, alors qu’elle récite son chapelet, Benoite aperçoit dans une grotte une dame tenant un enfant dans ses bras. Cette dame était vêtue de feuilles d’or flamboyantes et arborait une couronne scintillante. Benoite engage alors la conversation, mais la dame reste silencieuse. Pendant plusieurs mois, la Vierge se montre ainsi sans prononcer un mot. Il était nécessaire d’habituer la jeune bergère à sa présence et à la longue mission qu’elle préparait pour elle. Par la suite, la Vierge commence à donner des conseils et à encourager la prière. Les rumeurs concernant les apparitions commencent à circuler, et une enquête est lancée, où Benoite impressionne le juge par sa joie, sa lucidité et sa confiance. La Vierge disparaît pendant un mois, puis réapparaît de l’autre côté et demande à Benoite de » chercher au Laus une petite chapelle, où flottent de douces odeurs, et de venir y prier« . Le lendemain, Benoite se rend au Laus, où elle découvre la chapelle au toit de chaume, guidée par les bonnes senteurs. Dans cette chapelle en ruines, la Vierge lui apparaît sur l’autel et demande qu’une église soit construite en son honneur et en celui de son fils, ajoutant que » beaucoup de pécheurs s’y convertiront« . Dès lors, les apparitions se produiront quotidiennement pendant encore 53 ans. Le nombre de pèlerins augmente et les guérisons et grâces se multiplient. Le vicaire général commence à enquêter sur ces guérisons et sa conviction se renforce après la guérison d’une femme souffrant d’une maladie nerveuse qui l’obligeait à garder les jambes repliées depuis six ans. Dès lors, la décision de construire l’église demandée par la Vierge est prise. Nous sommes en 1666 et celle-ci sera achevée en 1669. À partir de ce moment, suivant les instructions de la Vierge à Benoite, l’application de l’huile de la lampe de la chapelle, accompagnée de son intercession et de la foi du malade, serait source de guérison, car » Dieu a donné ce lieu pour la conversion des pécheurs« . Benoite intègre le tiers ordre dominicain en 1666. Le nouvel évêque approuve l’agrandissement de l’église, où les pèlerins continuent d’affluer en grand nombre. Benoite se rend disponible pour les accueillir, les écoute et parvient à lire dans leur conscience.
En 1673, Benoite a une vision du Christ apparu ensanglanté sur la croix de l’autel. Il lui déclare alors : « Ma fille, je me montre dans cet état pour que vous ressentiez les souffrances de ma passion« . À partir de ce moment, Benoite vivra les souffrances du Christ chaque semaine, du jeudi à 16h jusqu’au samedi à 9h, et ce pendant près de dix ans. Dès 1692, elle sera confrontée à des persécutions de la part des jansénistes, qui désapprouvent les communions fréquentes des pèlerins ainsi que les confessions répétées. Ces derniers ont une conception rigide du salut, réservé à une élite restreinte. Ils s’opposent donc aux pèlerinages et réussissent à retourner l’évêque contre la voyante, qui subit également de violentes attaques du démon. En 1712, l’évêque confie le sanctuaire à une nouvelle congrégation, apportant ainsi un nouveau souffle au pèlerinage et la paix à Benoite, qui peut enfin passer ses dernières années en tranquillité. Elle s’éteint le 28 décembre 1718.
Les premières démarches visant la béatification de Benoite Rencurel commencent en septembre 1864, près de 150 ans après sa disparition, sous l’initiative de Monseigneur Bernadou, évêque de Gap. En 1871, Benoite est reconnue comme servante de Dieu par le pape Pie IX. Ces démarches sont mises de côté au début du 20ème siècle, pour ne reprendre qu’en 1996. En 2009, le pape Benoît XVI lui confère le titre de Vénérable. Un procès en vue de sa béatification est actuellement en cours, et il ne reste plus qu’à attendre des miracles officiellement validés, car chaque année, de nombreuses grâces et guérisons se produisent au Laus.
Dans un cadre très strict, en vigueur depuis le Concile de Trente du siècle précédent, et renforcé par la doctrine janséniste qui rejette les manifestations surnaturelles, la piété populaire, ainsi que la liberté humaine, Notre Dame du Laus s’oppose vigoureusement à cette doctrine. Le diocèse d’Embrun est largement en faveur de la cause janséniste, ce qui explique son hostilité prolongée envers les apparitions et miracles. La Vierge vient rappeler la miséricorde de Dieu et souligne l’importance d’une piété populaire qui s’exprime à travers l’eucharistie, la conversion des pécheurs, la confession et le pèlerinage.
Miracles de Notre-Dame du Laus
Les prodiges liés aux apparitions
Dès l’année 1665, lorsque les apparitions se produisent, les miracles de guérison deviennent nombreux. Parmi eux, une maladie oculaire qui sévit à cette époque. L’application de l’huile du sanctuaire sur l’œil affecté permet de retrouver une vision parfaite. Cependant, les guérisons ne se restreignent pas à cette seule affection; elles touchent également des enfants, des adultes et des personnes âgées. Les ulcéreux, les paralysés et les handicapés y trouvent également la guérison.
Cependant, la guérison qui aura le plus d’impact à cette époque sera celle de Catherine Vial :
« Catherine souffrait d’une rétraction nerveuse au niveau des jambes depuis plus de six ans. Cette rétraction était si sévère que ses jambes s’étaient repliées vers l’arrière, si bien que ses talons touchaient ses fesses. Elle et ses parents avaient essayé toutes sortes de traitements pour la guérir, mais en vain. » Son mari, réalisant que son état était irréversible, avait souhaité annuler leur mariage, ce qui a conduit à ce que Catherine soit connue dans toute la région pour son handicap. « Après avoir entendu parler des événements qui se déroulaient au Laus, elle fit un vœu. Sa mère l’accompagna, l’aidant à se déplacer. Elles commandèrent une neuvaine à la chapelle. [Catherine passait presque tout son temps appuyée sur une table, en dehors du balustre et de la chapelle]. Le dernier jour, qui était le 17 septembre, alors qu’elle était allongée avec sa mère près de minuit, elle s’écria avec joie et allégresse : Loué soit Dieu, ma mère ! Loué soit Dieu : je sens mes jambes. Et à cet instant, elle demanda de la lumière ; s’étant assise, elle prit ses heures et pria Dieu. »
De plus, depuis les premières manifestations, et même un certain temps avant, des parfums agréables ont commencé à se dégager du sanctuaire. Ces odeurs sont encore présentes aujourd’hui et certaines personnes chanceuses ont la possibilité de les percevoir, leur procurant ainsi un grand bien-être et réconfort.
Les récents miracles
Au commencement des années 2000, une femme a été miraculeusement rétablie d’une hernie discale pour laquelle elle devait subir une opération. Elle avait affirmé au médecin qu’elle croyait que Marie allait lui apporter la guérison. Quatre mois après, en constatant son rétablissement, le chirurgien a déclaré qu’il croyait aux miracles, car il pensait que l’hernie ne pouvait être « guérie que par une opération chirurgicale ».
De la même manière, une femme attendant des jumeaux contacte un jour le sanctuaire depuis l’Australie. Elle sollicite des prières pour elle, car l’un des deux jumeaux apparaît comme malformé sur l’échographie. Les responsables du sanctuaire promettent de prier et lui font parvenir de l’huile du Laus. On lui suggère alors de « faire des onctions pour elle et ses bébés ». À la naissance, les deux bébés seront en excellente santé.
Pèlerinages à Notre Dame du Laus
Rapidement, un grand nombre de pèlerins se dirigent vers le Laus. Cependant, ce n’est qu’en 2008 que l’Eglise va officiellement reconnaître les apparitions.
De nos jours, le sanctuaire de Notre Dame du Laus reçoit près de 200.000 pèlerins chaque année, et de nombreux ex-voto attestent des grâces et des guérisons obtenues au fil des siècles.
