Close

Se connecter

Close

S'inscrire

Close

Mot de passe oublié ?

Sarah Mullally, première femme archevêque de Canterbury. Une nomination historique

Pour la première fois en près de quinze siècles d’histoire, l’archevêché de Canterbury sera dirigé par une femme. Le gouvernement britannique, sur approbation du roi Charles III, a confirmé la nomination de Dame Sarah Mullally, actuelle évêque de Londres, comme 106e archevêque de Canterbury. Elle prendra officiellement ses fonctions en mars 2026, lors d’une cérémonie à la cathédrale de Canterbury. Cette désignation marque un tournant majeur pour l’Église d’Angleterre et pour l’ensemble de la Communion anglicane, qui compte près de 85 millions de fidèles répartis dans 165 pays.

Une carrière singulière : de la médecine à l’autel

Avant de revêtir la soutane, Sarah Mullally avait déjà un parcours hors du commun. Infirmière spécialisée en oncologie, elle a gravi les échelons jusqu’à devenir, à 37 ans, Chief Nursing Officer d’Angleterre, la plus haute fonction infirmière du pays. Ordonnée en 2001, elle a rapidement gagné en responsabilité ecclésiale : d’abord évêque suffragant de Crediton (diocèse d’Exeter), puis, en 2018, première femme évêque de Londres, le troisième poste le plus influent de l’Église d’Angleterre. Sa trajectoire témoigne d’un même fil conducteur : « Le soin est une façon de refléter l’amour de Dieu », aime-t-elle rappeler. Son double engagement médical et pastoral illustre cette vocation tournée vers le service, la guérison et l’écoute.

Une voix pour l’unité et l’espérance

Dans son discours d’acceptation, Sarah Mullally a insisté sur le rôle rassembleur de l’archevêque de Canterbury :

« À chaque étape de mon chemin, que ce soit comme infirmière ou comme prêtre, j’ai appris à écouter profondément – les personnes et l’appel discret de Dieu – afin de rassembler et de redonner espérance. »

Elle a également souligné la mission de l’Église face aux défis actuels : crise climatique, guerres, pauvreté et tensions sociales. Engagée de longue date dans la lutte contre les abus et pour le renforcement des politiques de protection, elle a affirmé vouloir placer le safeguarding (protection des plus vulnérables) au cœur de son ministère. Son style pastoral repose sur la simplicité : « Encourager l’Église à grandir dans la confiance de l’Évangile, parler de l’amour que nous trouvons en Jésus-Christ et laisser cet amour inspirer nos actions. »

Le rôle de l’archevêque de Canterbury

L’archevêque de Canterbury n’est pas seulement l’évêque du diocèse de Canterbury. Il est aussi Primat de toute l’Angleterre et surtout primus inter pares (« premier parmi ses pairs ») au sein de la Communion anglicane mondiale. Son influence dépasse largement les frontières britanniques. Il préside la Conférence de Lambeth (qui réunit les évêques anglicans du monde entier tous les dix ans), convoque les réunions de primats et représente une voix morale reconnue dans les débats de société. À la Chambre des Lords, il fait partie des Lords Spiritual, les 26 évêques qui siègent à la chambre haute du Parlement.

Cathédrale de Canterbury

Une nomination saluée

La Commission de nomination de la Couronne (CNC), composée de représentants de l’Église d’Angleterre, du diocèse de Canterbury et de la Communion anglicane internationale, a mené un processus de discernement et de consultation publique de plusieurs mois. Son président, Lord Evans, a salué « une nomination inspirée par l’écoute des fidèles du monde entier et par le souci de l’unité ». Le secrétaire général de la Communion anglicane, Mgr Anthony Poggo, a pour sa part appelé à prier pour la nouvelle archevêque, afin qu’elle « encourage le soutien mutuel, la compréhension réciproque et l’unité dans la diversité ».

Comprendre l’anglicanisme

La nomination de Sarah Mullally met une fois encore en lumière une confession chrétienne à la fois ancienne, influente et parfois mal comprise : l’anglicanisme.

Aux origines : de Rome à l’Angleterre

L’anglicanisme est issu de la Réforme anglaise du XVIe siècle, lorsque le roi Henri VIII rompit avec Rome en 1534 en se proclamant « chef suprême de l’Église d’Angleterre » (Act of Supremacy). Si les raisons immédiates tenaient à des questions dynastiques et politiques, ce geste s’inscrivait aussi dans le contexte plus large de la Réforme protestante en Europe. Sous Élisabeth Ire (1558–1603), un compromis religieux – le Settlement élisabéthain – donna à l’Église d’Angleterre son identité propre, à la fois catholique et réformée (catholic and reformed), et cherchant une voie médiane (via media) entre catholicisme et protestantisme.

Henri VIII (Hans Holbein le Jeune,peintre Allemand , 1540 – Galerie Nationale d’art ancien à Rome)

Une identité religieuse particulière

L’anglicanisme se définit par plusieurs piliers :

  • la Bible comme référence fondamentale ;
  • les Écritures et traditions apostoliques ;
  • l’épiscopat historique (succession apostolique des évêques) ;
  • le Book of Common Prayer, livre de prière commun compilé par Thomas Cranmer en 1549, qui a façonné la liturgie et l’identité anglicane pendant des siècles.

Les anglicans célèbrent deux sacrements centraux – le baptême et l’Eucharistie –, tout en reconnaissant d’autres rites (mariage, confirmation, ordination, etc.). La diversité interne est grande : certains pratiquent une liturgie proche du catholicisme romain (anglo-catholiques), d’autres se rapprochent des sensibilités évangéliques ou charismatiques.

Une Église mondiale

Aujourd’hui, l’anglicanisme est la troisième plus grande communion chrétienne au monde, avec environ 110 millions de fidèles. Il est particulièrement implanté en Afrique subsaharienne, en Amérique du Nord, dans les Caraïbes, en Océanie et bien sûr au Royaume-Uni. Chaque Église nationale est autonome mais toutes sont liées par la Communion anglicane, en pleine communion avec l’archevêque de Canterbury. Dans certains pays, notamment les États-Unis, les fidèles se désignent plutôt comme épiscopaliens. Malgré des tensions internes sur des sujets éthiques et sociaux (ordination des femmes, mariage homosexuel, etc.), l’anglicanisme continue de se concevoir comme une tradition chrétienne de médiation et de dialogue, un « pont » entre catholicisme et protestantisme.

Une spiritualité de la diversité

Ce qui caractérise l’anglicanisme, c’est sa capacité à tenir ensemble des sensibilités très différentes, de la liturgie très catholique et solennelle à des formes de culte proches des évangéliques. Cette souplesse s’exprime dans une maxime souvent citée : lex orandi, lex credendi (« la loi de la prière est la loi de la foi »), qui rappelle que la prière et la liturgie sont le cœur de l’identité anglicane.

Un tournant historique

Avec l’arrivée de Sarah Mullally à la tête de l’archevêché de Canterbury, l’Église d’Angleterre tourne une page et en ouvre une autre. Son parcours atypique, alliant rigueur médicale et vocation spirituelle, témoigne d’une foi vécue comme un service. Sa nomination illustre aussi la capacité de l’anglicanisme à évoluer dans la continuité de son histoire, fidèle à son rôle de « voie médiane » et ouverte à de nouvelles expressions de leadership. Dans un monde traversé par les fractures religieuses et sociales, l’Église anglicane mise désormais sur la voix d’une femme pour incarner unité, espérance et service.

Photo : Sarah Mullally , Diocèse de Londres

Photo Credit: Lambeth Palace

Devenez adhérent de l’association Jimagine.org : cliquez-ici

Rejoindre la communauté de jimagine pour 10 euros par An :

Partager cet article

Aimer cet article

2

Articles similaires

Articles similaires

0
0

    Poster un commentaire

    Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

    Thanks for submitting your comment!